Presse

À bas Merkel et vive le futur !
Jean-Claude Fall présente Ivresse(s), une pièce à la fois polémique et douce de l’Allemand Falk Richter, qui incarne le renouveau, outre-Rhin, de la scène contestataire.
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Ce qui est étonnant, dans le spectacle de Jean-Claude Fall, c’est qu’il propose un renouveau de la forme par la pauvreté des moyens utilisés. Beaucoup d’acteurs, mais pas de projecteurs. Rien que des lumières indirectes venant d’un rétro projecteur et de smartphones. Les comédiens se filment ou filment l’action avec leur téléphone ; les images qu’ils cadrent s’inscrivent, étranges, fantomatiques, peu lumineuses, en différents points d’un espace sombre. Fall avait déjà expérimenté cette technique dans son précédent spectacle, Une vie bouleversée, d’après Etty  Hillesum, joué par Roxane Borgna. Cette fois, épaulé par son directeur vidéo, Laurent Rojol, il jette les bases d’un théâtre d’une autre matière, d’une autre image. Les acteurs, Jean-Marie Deboffe, Isabelle Fürst, Paul-Frédéric Manolis, Nolwenn Peterschmitt, Laurent Rojol, Roxane Borgna, Alex Selmane et Fall lui-même, se chargent d’une série d’incarnations et assurent donc l’éternelle présence charnelle de l’interprète. Mais le climat de pénombre, les couleurs faibles et immatérielles, les reflets tendent à remplacer la violence de la protestation politique par l’expression d’une rébellion à la voix secrète et tendre. Le spectacle semble dire qu’il n’a pas trouvé toutes ses solutions, mais qu’il est en partie dans l’inédit, qu’il a évité le style de la parade brutale habituellement utilisé lorsqu’on monte ce type de texte. En effet, c’est neuf dans l’esthétique et riche en pincements de cœur.

Gilles Costaz, www.politis.fr

« Sincèrement j’attends avec impatience le jour où tout ça va s’effondrer, et où quelque chose de nouveau apparaîtra et on regardera le passé sans comprendre comment on pouvait vivre ainsi, ça, cette vie-là, d’aujourd’hui… »
Sincèrement… c’est ainsi que les uns et les autres de la troupe franchissent le pas du plateau et ouvrent la parole au public. Sincèrement et avec une extrêmement incroyable politesse, gentillesse, bienveillance… et simplicité.
De la même manière, le plateau vide qui les accueille va tout au long du spectacle se remplir, s’organiser, devenir un autre lieu grâce à de simples matières : feuille blanches, fils, bâches plastiques de travaux, fils… c’est quelque chose qui se construit peu à peu sous nos yeux pendant que les scènes qui se jouent, elles, racontent plutôt le sentiment d’égarement, de vide, de néant et l’attente de…
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La mise en scène utilise de manière sensée la vidéo, pour la plupart des selfies créés en direct via des portables. Il est beaucoup question de ce virtuel, ces avatars, ces personnalités numériques qui sont une représentation de soi trompeuse, trompée. Justifiées également et lumineuses ces projections sur les pans de feuilles blanches tendues sur des fils. D’une fragilité telle qu’un coup de vent peut les faire disparaître comme réalité fantoche.
Et l’aventure finit, là où la chose commence, sur un plateau transformé en camp de fortune, tout aussi fragile, éphémère, où une sorte de « fraternité » humaine se tisse face à la violence policière, et qui rappelle de près ce qu’ont pu être les « Nuits Debout » et de loin ce qu’étaient les aspirations soixante-huitardes où les règles sociales, l’entre-humain, et la société de consommation étaient remises en causes. Trouver d’autres respects, d’autres règles de vie pour qu’à l’avenir…
« … on regardera le passé en pensant : comment on pouvait vivre comme ça, ça n’a pas de sens, pourquoi on agissait ainsi, aucun homme normal n’agirait ainsi, et on dira tout simplement : ben oui, c’était comme ça à l’époque. Ils faisaient tous ça et… c’était comme ça à l’époque, c’est tout. »

Bruno Fougniès, regarts.org

Le capitalisme crée la crise, en jouit et prospère grâce à elle.
Jean-Claude Fall lutte contre ses effets avec un spectacle en forme d’antidote efficace, remarquablement dosé et administré !
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Art en résistance
Les comédiens entrent sur scène dans une tenue et une dégaine ordinaires. L’adresse au public est directe. Les techniciens sont acteurs et les acteurs techniciens, les torches des téléphones portables tiennent lieu de projecteurs et leurs caméras permettent de faire apparaître les visages des comédiens sur les écrans de papier accrochés aux fils préalablement tendus en travers de la scène. Si l’on peut faire du beau et du sens avec des appareils accessibles au plus grand nombre, c’est donc que l’insanité et la fadeur ambiantes tiennent davantage à l’utilisateur qu’à sa machine. De même que pour Dario Fo, ce n’est pas la planche qui fait le jongleur, mais le génie de l’artiste qui fait théâtre d’un rien, dans ce spectacle, c’est le talent créatif des interprètes qui sublime l’usage des outils, simple feuille de papier, pince à linge, tablette électronique ou smartphone. La troupe réunie autour de Jean-Claude Fall (Roxane Borgna, Jean-Marie Deboffe, Isabelle Fürst, Paul-Frédéric Manolis, Nolwenn Peterschmitt, Laurent Rojol et Alex Selmane) fait preuve d’un talent interprétatif remarquable et danse plutôt qu’elle ne joue cette partition des égarements. Que faut-il au monde contemporain pour ne pas complètement désespérer ? Ne pas oublier qu’on ne peut pas affronter le tragique sans créer d’œuvre d’art. Jean-Claude Fall et les siens le rappellent de manière implacable !

Catherine Robert, www.journal-laterrasse.fr

 

Comment le capitalisme financier peut-il se régénérer à chaque crise ? Comment ce système en crise, celui dans lequel nous évoluons de gré et de force, s’insinue-t-il en nous ?
Au sein de notre vie quotidienne, dans nos rapports entre nous, dans nos relations amoureuses ? Et comment peut-on lui échapper si on le peut ?
L'heure est grave donc mais le ton se fait souvent ironique, caustique ou carrément drôle.
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Pas de décor  tout au début sauf une avalanche de feuilles de papier blanc, de texte pas encore écrit, de work in progress, de tentative d'écriture avortée.
Puis peu à peu, sur des fils tendus sous nos yeux,  les feuilles sont accrochées avec des pinces à linge comme dans un labo photo jusqu'à composer un écran vidéo improvisé. Il y en aura d'autres tout aussi apparemment improvisés, tout aussi légers, car la vidéo est tout le temps présente  à partir d'écrans de smartphones qui serviront aussi de projecteurs, voire de micro.
(…) Mais si on frôle le fond, le désespoir, l'incompréhension, l'espoir et l'utopie (folle bien sûr) viennent aussi prendre leur marque. Et si un autre monde était possible. Et si ce que nous vivons n'était qu'une étape que nous pourrions regarder plus tard en se disant, c'était comme ça avant, à l'époque ?

Martine Horovitz Silber, www.marsupilamima.blogspot.fr

Jean-Claude Fall s’approprie avec brio l’écriture de Falk Richter et en propose une vision esthétiquement chiadée, une proposition directe et frontale pour interpeller sans détour le spectateur. « Ivresse(s) » naît d’un montage de différents textes de Richter et dessine parfaitement la structure et l’essence fondamentale de son œuvre. Cynique, âpre parfois comme drôle et énergisant ce spectacle vous entraîne dans un lieu de désespoir, une dystopie implacable où gronde pourtant la résistance à venir.
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Jean-Claude Fall offre avant tout ici un spectacle plastique passionnant, un théâtre presque philosophique et proche de la performance servi par des acteurs engagés. C’est une forme désolée, chaotique, faite de bricolages et de tentatives artisanales pour un résultat esthétique particulièrement convaincant, illustrant avec maestria ce sentiment mêlé de colère et d’épuisement. Le plateau est submergé de papiers, de bâches plastiques qui s’animeront par la suite grâce à la vidéo-projection. Les cris de colère se succèdent, tout comme les renoncements ou encore les appels à la révolution qu’elle soit amoureuse, sexuelle, professionnelle, toutes ces paroles mises bout à bout comme une cartographie clinique d’une société guidée par le dieu Économie. Le discours de Falk Richter interpelle, exaspère, détricote, libère et dit le monde. Un monde triste et fou certes mais c’est le nôtre.

Audrey Jean, www.theatres.com

Pour parler d’Ivresses, Jean Claude Fall a choisi la sobriété. Les comédiens entrent sur scène en éparpillant des feuilles blanches et tissent des fils dans ce chantier théâtral qu’est la salle Copi du théâtre de la Tempête. Plongé dans l’ambiance work-in-progress d’un spectacle en devenir, ces feuilles blanches semblent figurer le texte qu’il reste encore à écrire… ou les centaines de photocopies du stagiaire en dramaturgie baigné dans ses problèmes existentiels. Si l’écriture de Falk Richter était animale, elle serait scorpion : incisive, vraie, acérée et qui touche au vif du problème. Tous ses personnages nous apparaissent en état d’ivresse : l’excitation euphorique provoquée par un sentiment, le sentiment que tout est « triste, solitaire et merdique ». Aliénés par cette société néo-libérale et égoïste, les personnages sont condamnés à une « solitude insécurisante » et une « torture de l’individu ».
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D’une écriture osée et sans langue de bois, Falk Richter délie avec justesse les mécanismes de la crise, (qui est en réalité l’état normal du système, un état d’urgence permanent), et nous démontre avec cohérence l’influence du néo-libéralisme sur notre vie quotidienne : le paradoxe de cette société si connectée qui nous mène à l’isolement. En symbiose avec les nouvelles technologies par ses captations et projections lives via smartphones, ce spectacle est un théâtre des plus underground. A notre ivresse de la consommation, du travail et de la Bourse, Falk Richter en appelle à un ressaisissement, à une autre ivresse, à la réinvention, hors modèle, des liens collectifs, des relations privées et d’un rapport apaisé à soi-même.
Sincèrement notre coup de coeur, merci à Jean-Claude Fall, à toute son équipe de brillants comédien/nes, à l’auteur Falk Richter, ainsi qu’au théâtre de la Tempête.

Swann Kerboeuf, www.lesouffleur.net   

Ivresse(s) réussit admirablement à traduire l’aliénation contemporaine, l'esseulement de chacun.  En  trouvant  un  équilibre  savant  entre  le comique (on rit de l'absurde, du dérisoire de quelques situations) et le pathétique (bouleversant, le désarroi  de  ces  hommes  et  femmes  complètement  dépassés!),  Jean-Claude  Fall  et  ses  jeunes comédiens ont fabriqué un mixte détonant de satire, de drame et de tragicomédie. Et quelque chose d'essentiel à notre temps fut saisi par ces formes théâtrales.
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Pierre Corcos, La Chronique, www.la-tempete.fr

En portant cette œuvre à la scène, Jean-Claude Fall lui a associé des extraits de deux autres  textes  de  l’auteur, « Play  loud »  et « Protect  me », élargissant ainsi le registre successif d’histoires fragmentées, quitte à rompre avec sa structuration originelle. En ouverture, une relation visuelle est trouvée sous une pluie de pages blanches, première étape comme chacun sait de l’écriture, suspendues par la suite à des fils et servant de supports aux images vidéos des visages et des corps, partiellement captés depuis des Smartphones, outils de communication emblématiques dans l’air du temps. Pas de référence à la notion habituelle de décor théâtral sur le plateau, mais un espace en mouvement qui se construit et se déconstruit dans la légèreté avec une économie de moyens signifiante, en contre-point des propos de Richter. Il s’apparente à une installation de campement qui n’est pas sans faire affleurer le souvenir de celui occupé par le mouvement contestataire pacifique Occupy Wall Street en 2011 à New-York. Un champ de résonance adapté pour accompagner les évocations des situations rencontrées, par des couples, un père et sa fille, une consultation psychanalytique, ou colorées d’humour, comme ce projet de départ pour le Pôle nord soumis à une crainte de congélation.
Avec huit interprètes - dont le metteur en scène lui-même - porteurs d’une efficacité dynamique, les personnages, pas vraiment incarnés au sens classique du terme, se racontent surtout par la parole. Ils tissent ainsi un canevas en mesure de contribuer à une prise de conscience et accompagner le cheminement de la pensée vers un monde nouveau. Même si, on l’aura compris, le plus dur reste à faire.

Jean Chollet, WebTheatre, www.la-tempete.fr

[…] Nichée au cœur de la psyché contemporaine, IVRESSE(s) reflète la bataille que livre l’homme post-moderne aux images, et aux ombres qui l’entourent, redonnant un coup de jeune à la célèbre citation de Huis clos « L’enfer c’est les autres ».
La mise en scène joue sur le mouvement général et permanent des personnages absorbés par les flux qui les redistribuent dans l’espace via des Smartphones.
Tout n’est pas noir chez Richter ; on rit, et on espère dans l’effroi, trouver les moyens de résistance, d’ébranlement du système. […]

JMDH - L’Hérault du jour

[…] Fall à partir de trois écrits de Richter, Ivresse, Protect me et Play loud, s’empare et nous livre en de multiples approches les thèmes majeurs de Falk Richter. La crise du système, système qui nous dévore et ceci depuis longtemps, et toutes ses conséquences, solitude, absence de communication vraie, aberration, brutalité et violence du capitalisme ultralibéral. « Système qui jouit de la crise (et) vit en chacun de nous dans tous les instants de nos vies, comme un alien que nous porterions en nous et qui nous dévorerait de l’intérieur ». […]
[…] Jean-Claude Fall fait bouillonner et palpiter ces textes, il leur donne une couleur forte, à la fois drôle, cruelle, marquée d’autodérision, de colère et de rage. Un « sacré bordel » où par instant, comme dans la séquence finale du « campement », pointent des échos du précurseur « an 01 », de Gébè (1973).
« Le spectacle sera libre de toute contrainte et de toute règle. Pas de fiction autre que bribes. Pas de continuité narrative ou discursive. Pas de continuité stylistique autre qu’une exigence extrême d’engagement physique. Un humour de tous les instants. Quelque chose de joyeux et d’iconoclaste. » (Jean-Claude Fall)
Liberté d’expression, fidélité à ses idées, volonté de privilégier le travail d’un collectif…Fall tel qu’en lui même ! […]

Jean-Claude Rivière - IDHERAULT

[…] En effet, IVRESSE(s) ne se détermine pas comme prônant l’excellence d’un parti pris technique précis. La pièce est au contraire, par appellation, un état hors norme ; elle se doit donc d’être manipulée avec soin pour en extraire tous les possibles libertés qui nous serviront à la recevoir.
Là, où s’entremêlent histoire de genre et de nombre, d’argent et d’engouement empirique qu’envient les hommes vis-à-vis de leurs places en société, se creuse un espace dans lequel va pouvoir s’immiscer le spectateur, se tordant alors légèrement le crâne et l’esprit pour comprendre tout le texte. Nous faisons face à des mots et une mise en scène qui, par alternance, échangent des regards et une critique sur notre société : c’est un va et vient juste que nous recevons, comme de délicieux plats servis sous notre nez. IVRESSE(s) n’opte pas pour la morale de groupe, mais plutôt pour un plaisir plastique et une recherche dans l’agencement des énergies vivantes : on nous propose une rencontre entre réflexion des affects perçus et reçus, et des différents matériaux mis à disposition. C’est sûrement ce procédé qui n’engendre aucune réflexion manichéenne suite aux propos qui sont prononcés : le texte est un véritable pain dur, la mise en scène et l’esprit aqueux qui permet d’avaler celui-ci. Voilà qui est créateur de poésie, sans pour autant faire de cette sensibilité créatrice une ligne de conduite imposée tant pour le récepteur que pour l’expéditeur. C’est une touche de sarcasme qui vient teinter nos lèvres d’un sourire incontrôlé, puis ce retour ensuite à la consommation de masse. Le virtuel apparaît comme une prise de drogue, ce temps de connexion à un espace où toute notre vie est démesurément plus grande et hostile, cet état physique corrompu par notre manque d’investissement dans notre corps ; bras tendus et tête cadrée, nous sommes projetés par la lumière et dessinés par le pixel. […]
[…] Ce n’est pas un compromis mais une réalité, qui n’est pas directement la notre dès lors qu’elle se joue. IVRESSE(s) s’entrelace dans le va et vient constant qui nous définit depuis peu, qui auparavant se définissait par nos actes et notre consentement et qui aujourd’hui commence à anéantir voir anéantit déjà notre volonté de vivre. Oui ; IVRESSE(s) est vivant. Oui, IVRESSE(s) marque l’esprit car il se vit bien plus qu’il se discute. […]

Auxsens - Caféine théâtrale